La saison de fouille archéologique s'achève à Acoua. Trois chantiers importants s'y sont déroulés au cours de l'année:
Agnala M'kiri: fouille de la porte de l'enclos villageois (XIIe-XIVe siècles) de mai à septembre 2012. L'étude des niveaux archéologiques du dépotoir a permis d'identifier les évolutions de la consommation alimentaire et de préciser l'évolution stylistique de la céramique locale depuis les origines de l'occupation humaine sur ce site (Xe/XIe siècle).
Antsiraka Boira: septembre-novembre 2012, découverte d'une nécropole médiévale (vers 1100-1200), avec six sépultures d'inspiration musulmane, accompagnées de la découverte exceptionnelle de plus de 2500 perles indo-pacifiques en pâte de verre.
Agnala M'kiri, décembre 2012: sondage sur la mosquée présumée (angle Nord-Est), datée partiellement du XIVe siècle (datation RC14 en 2007 sur un niveau d'incendie).
Ce sondage, qui sera terminé dans les semaines à venir, apportera des renseignements sur l'arrivée de l'islam et l'architecture religieuse, complétant ainsi les données fournies par la nécropole d'Antsiraka Boira.
Aperçu des élévations conservées du mur nord (Qibla) de la mosquée. On distingue nettement l'utilisation de grandes briques de corail, parfaitement agencées, avec assises régulières. Cette technique, encore jamais observée sur un site archéologique de Mayotte, est caractéristique des constructions swahilies des XIIe-XIIIe siècles comme par exemple la grande mosquée de Kilwa, dans son état du XIIe siècle, ou la mosquée de Sanjé ya Kati (XIIe-XIIIe) fouillée par Stéphane Pradines. À Anjouan, H.T. Wright a identifié la même technique de construction sur les premiers niveaux de construction des mosquées de Sima et de Domoni. Cette technique est apparentée aux constructions du Moyen-orient et aurait été introduite en Afrique de l'Est par les commerçants du Golfe persique et d'Arabie du Sud qui seraient également à l'origine du mythe shirâzi.
À Acoua, le niveau de sol intérieur, composé d'une épaisse couche de gravillons sur un lit de blocs de pierre a fourni des tessons locaux décorés de motifs médiévaux datés des XIIe-XIIIe siècles. Après un incendie au XIVe siècle, cette mosquée présente les traces d'une restauration avec reconstruction du mur oriental et création à l'intérieur de couloirs latéraux puis semble définitivement abandonnée au XVe siècle.
La mosquée d'Agnala M'kiri est à ce titre, la plus ancienne mosquée connue actuellement à Mayotte. Ses vestiges ne sont néanmoins plus visibles aujourd'hui puisque la fosse du sondage archéologique a été rebouchée. Les élévations conservées, jusqu'à 1,2 mètre, laissent penser qu'une bonne partie des structures de cette mosquée n'a pas été détruite par la route qui a emporté les 2/3 de l'édifice. De même, les fondations de l'habitation construite à proximité n'ont pas atteint ces vestiges remarquables. D'autres opérations, à l'avenir, permettront peut-être un jour, de mettre en valeur ce patrimoine remarquable...
Lors de la fouille archéologique, les habitants du quartier ont manifesté une grande curiosité devant cet édifice qui a donné son nom au quartier puisque "Agnala M'kiri" signifie en ki-bushi (dialecte malgache de Mayotte), "la Mosquée de la forêt" car jadis, les habitants d'Acoua, pouvaient voir à cet emplacement les ruines du vieux Acoua entourées de végétation avant que ce lieu-dit ne soit urbanisé.
Remerciements
Nous adressons nos remerciements au préfet de Mayotte, Thomas Degos qui nous a fait l'honneur de sa présence lors des journées du patrimoine, à la Direction des Affaires Culturelles de la Préfecture de Mayotte, sous la direction de Clotilde Kasten, pour leur soutien institutionnel et financier, au Conservateur de l'Archéologie, Édouard Jacquot, pour la validation de ces opérations et son soutien en matériel de fouille, à Patrice Courtaud, anthropologue (CNRS) pour ses conseils et analyses lors de la fouille de la nécropole d'Antsiraka Boira, aux propriétaires des parcelles qui ont accueillies nos opérations: Monsieur Toumbou Ibrahim, Madame Sitina Ibrahim, Madame Hadidja Chaka et Monsieur Mahamoud Abdou.
Nos remerciements chaleureux à l'équipe de fouille bénévole qui m'a accompagné durant cette campagne de fouille, dont de nombreux lycéens d'Acoua dont la motivation n'a jamais fait défaut.
Voici la liste exhaustive de tous les bénévoles occasionnels ou permanents: Attoumani Hanessati (lycée du Nord), Bakari Moussa Mikdami (lycée du Nord), Dhoulikifli Ahamed (lycée du Nord), Dippert Anne (enseignante Lycée du Nord), Kassim Hassinani (lycée du Nord), Grandon Marie (enseignante Mamoudzou), Madi-Tchama Djibril (lycée du Nord), Madi Ounaïda (lycée du Nord), Gavila Jean-Marc et Chantal (enseignants Bandrélé), Lebossé Arnaud (enseignant Mtsamboro), Leroy Céline (archéologue, enseignante au Lycée du Nord) , Mohamed Sandrine (enseignante Lycée du Nord), Manceau Robert (enseignant Mtsamboro) ,Toybou Halima (étudiante en archéologie),Ymamou Limouandjilati (lycée du Nord).
Martial Pauly
Clichés: copyright M. Pauly 2012