Les opérations de terrain ont repris avec le dégagement complet de la porte de l’enclos villageois. Le relevé des maçonneries est presque achevé.
Trois phases de construction successives ont été identifiées: la plus ancienne, construite entre 1100 et 1200 (selon le mobilier associé), présente un appareil régulier composé de moellons de basalte disposés selon des assises régulières. Le niveau de sol de cette première porte est particulièrement soigné, il s’agit d’un pavage réalisé à partir de grandes dalles basaltiques. Le passage de la porte est alors très étroit (environ un mètre), ce qui, dans l’optique d’un enclos pastoral, assurait que les zébus ne puissent sortir de l’enclos qu’un à un, ce qui limitait les possibilités de vol de troupeau. Un niveau incendié indique une destruction violente de cette première porte vers 1250-1350. Ce premier édifice atteste de la parfaite maîtrise des techniques de construction des maçons de cette époque. On ne retrouve plus lors des phases de construction ultérieures cette qualité architecturale.
Des parallèles avec les sites swahilis et malgaches contemporains sont observés: à Madagascar par exemple, le site de Mahilaka possède des enceintes maçonnées avec un parement similaire à celui de l’enclos d’Acoua (Radimilahy 1998). Globalement, les édifices maçonnés d’Afrique de l’Est présentent entre le Xe et XIIIe siècle des assises régulières, employant à la côte swahili des moellons de corail taillé (porites), ou des blocs réguliers de basalte à Madagascar ou comme ici à Acoua. Après le XIIIe siècle, les maçons réalisent des parements irréguliers, généralement recouvert d’un enduit de chaux.
Entre 1250 et 1350 la porte est ensuite remaniée, les techniques de maçonneries employées sont alors plus frustres avec un parement présentant des assises irrégulières, composées de moellons de basalte disposés de manière aléatoire. Le sol de la porte est laissé en terre battue. Enfin, entre 1350 et 1400, la porte est reconstruite à nouveau avec cette fois-ci un parement présentant des assises régulières composées de gros galets de basalte (quelquefois avec encore des huitres accrochées sur ces pierres), blocs de corail et grès de plage, le tout provenant du littoral voisin. Lors de cette ultime phase de construction, l’ensemble des murs était recouvert d’un solide enduit de chaux, participant à la solennité de la porte. De nombreuses traces d’incendie indiquent également une destruction violente de la porte autour de 1400.
Les niveaux les plus anciens, antérieurs à la construction de l’enclos villageois, comportent des tessons de tradition Hanyoundrou à décors composé d’impression de coquillage anadara erythraeonensis, d’incisions géométriques en chevrons, mais également d’impressions ponctiformes, similaires aux traditions céramiques de la côte kenyane (archipel de Lamu) comme l’illustre la poterie retrouvée sur les sites de Manda (période II et III, 1050-1300, Chittick, 1984:116) et de Shanga (phase C à Shanga, 1100-1300, Horton 1996:262-263). Sites fournissant également des céramiques décorées d’impressions de coquillage «arca» d’origine comorienne, attestant ainsi de contacts commerciaux réciproques entre l’archipel de Lamu et Mayotte avant le XIVe siècle.
Inversement, la poterie des niveaux du XIIIe siècle comporte davantage de parenté avec les traditions céramiques contemporaines de la côte nord de Madagascar.
Enfin, les niveaux les plus anciens ont fourni un intéressant et rare fragment de noix de coco carbonisé:
©M. Pauly 2012
Références citées:
Chittick N. 1984 Manda : Excavation at an Island Port on the Kenya Coast, Nairobi, 258 p.
Horton M. 1996 Shanga, the Archeology of a Muslim Trading Community on the Coast of East Africa, Londres, British Institute of East Africa, 458 p.
Radimilahy C. 1998 Mahilaka: an archaeological investigation of an early town in northwestern Madagascar, Studies in African Archaeology (Uppsala), 1998, n° 15, 293 p.