La quatrième campagne de fouilles sur le site d’Antsiraka Boira, au nord-ouest de Grande Terre, commune d’Acoua, s'est déroulée en Mai et Juin 2014.
La fouille a mis en évidence des témoignages ténus d’aménagements datant d’une phase d’occupation tardive encore mal située dans le temps (XIIIe -XIVe siècle?).
Les niveaux associés à la phase d'inhumation ont livré des tessons de céramique persane du XIIe siècle (sgraffiato à motif floral et pseudo épigraphique hachuré).
Le plan de la nécropole a été complété par l’exploration de nouveaux secteurs tandis que cinq sépultures ont été ouvertes à la fouille (appartenant à deux adultes et trois enfants). Quatre de ces sépultures ont fourni un mobilier funéraire
remarquable composé de parures de perles (collier et pagnes brodés de perles). Certaines perles, encore inédites, complètent le corpus livré par ce site. Des échantillons de ces perles sont en cours d'analyse physico-chimique aux États-Unis.
Si ces sépultures sont clairement d’inspiration musulmane (par l'architecture funéraire et la disposition des squelettes), la présence de dépôts funéraires et de parures de perles confirment le caractère atypique des tombes de la nécropole d’Antsiraka Boira, témoignages inédits à Mayotte de l’existence, autour du XIIe siècle, d’une phase de syncrétisme culturel.
Deux sépultures ont livré dans le remplissage de la fosse funéraire des récipients complets en céramique, geste funéraire également décrit dans la nécropole de Vohémar à Madagascar, attestant ici d'une parenté qui soulève l'existence d'une aire culturelle partagée entre Mayotte et le Nord de Madagascar.
En haut, récipient céramique et gravillon corallien provenant du remplissage supérieur de la sépulture 34.
À droite, sépulture 34, jeune femme portant un long collier de cou et un pagne brodé de perles.
L'usage de cercueil en bois à fond arrondi (pirogue?) confirmé par l'analyse anthropologique des squelettes, est une avancée importante apportée par cette fouille. Inconnu en Afrique de l'Est, l'usage de cercueil en bois nous rattacherait ici clairement au monde austronésien. Mais d'autres parallèles avec les rites funéraires des populations des royaumes médiévaux du Monomatapa et des populations côtières du Mozambique sont également envisagés où du mobilier funéraire accompagne les défunts. Ces régions de l'hinterland africains entretenaient des contacts commerciaux avec les comptoirs de Sofala au Mozambique (commerce de l'or, l'ivoire et des esclaves). Des sites de la vallée du Limpopo (K2 et Mapungubwe) ont ainsi livré des perles indo-pacifiques similaires à celle retrouvées à Antsiraka Boira. Selon nos hypothèses, la nécropole d’Antsiraka Boira pourrait témoigner de la rencontre des cultures austronésienne (malgache) et bantou, puis de l'islamisation de ce groupe métissé à l'issue de contacts avec des marins swahili.
À gauche, collier de cou restitué (sépulture 34), à droite, perles d'un pagne (sépulture 39).
Enfin, des niveaux d’occupation antérieurs aux inhumations ont pu être étudiés, apportant des informations nouvelles sur le mode de vie des premiers occupants du plateau d’Antsiraka Boira, encore très largement tourné vers l'exploitation des ressources halieutiques.
Responsable de l’opération: Martial PAULY (INALCO-CROIMA)
Conseil scientifique: Patrice COURTAUD (PACEA - Bordeaux).
Suivi scientifique et technique: Édouard JACQUOT (Conservateur de l’archéologie, DAC Mayotte)
Analyse anthropologique: Marine FERRANDIS (ARCHEOLOGIES)
Technicienne de fouille: Delphine DUMARCHÉ (ARCHEOLOGIES)
Ingénieur d’étude/Topographie: Georges LEMAIRE (DAC-Mayotte)
Étudiants stagiaires:
Jérémie BACHELLERIE (LIII, Paris-1), Chloé FRAILLON (LIII, Paris-1), Tiffanie GIRAUD (Master 1, Bordeaux), Arthur LECK (LIII, Paris-1), Elisabeth TRIBOUILLARD (LIII, Paris-1).
Bénévoles SHAM
:
Aïcha ABDALLAH, Marine ALLEMAND, Mohamed-Dine ASSANI, Geoffrey CLAUD, Dominique DUGUAY, Patricia DUPUY, Marylise GENDROT, Éric GINTRAND, Marion LALANNE, Guy LANGLAIS, Céline LEROY, Lan LI, Sade MADIA-ABDALLAH, Fadhuli, Robert MANCEAU, Thierry NAVARRON, Jeanne PAGES, Raphael PAVAGEAUX, Élisa PETIT, Anna SALMON, Corinne SOUMAILA, Mariame TOUFAILI, Nawa YMAMOU.
Prise de vue aérienne: Jérome MATHEY (DroneGo).
Remerciements
Cette quatrième opération archéologique n’aurait pu avoir lieu sans le soutien financier de la Direction des Affaires Culturelles de la Préfecture (Ministère de la Culture et de la Communication) et du Conseil Général de Mayotte.
Nous adressons nos remerciements à Clotilde Kasten, directrice de la DAC-Préfecture ainsi qu’à Ali Said Attoumani, directeur du Service Culturel du Conseil Général de Mayotte.
Nos remerciements également à Édouard Jacquot, conservateur de l’archéologie, et Patrice Courtaud, anthropologue funéraire du laboratoire PACEA, pour leur suivi et conseils sur ces opérations.
Nous adressons également nos remerciements aux agents de la DAC-préfecture et de la MAPAT pour leurs cordiales visites sur le chantier.
Nous remercions enfin la municipalité d’Acoua et la famille Chaka pour l’intérêt qu’elles ont exprimé envers nos travaux.