L’analyse du mobilier archéologique en provenance de la fouille d’Acoua (campagne 2011) se poursuit avec notamment l’étude de la consommation alimentaire. Parmi les rejets alimentaires accumulés dans les niveaux du dépotoir (XIIIe-XVe siècle), les coquillages y sont très abondants. À l’exception de l’escargot terrestre (achatina) qui est peut-être présent dans ces accumulations de façon accidentelle (bien que la consommation d’escargot était encore pratiquée, au village d’Acoua, il y a deux générations seulement), les coquillages sont tous d’origine marine et reflètent les anciennes habitudes alimentaires.
19 espèces de coquillages étaient ainsi principalement consommées, ce qui est en soit remarquable par comparaison aux sites médiévaux de l’Afrique swahili. Par exemple, à Shanga (Kenya), Horton ne recense que 12 espèces de coquillages consommées, et estime que la majeure partie était employée comme appât pour la pêche ou consommés uniquement pendant les périodes de disette. En effet, la consommation de coquillages et en contradiction avec les interdits alimentaires prescrits par l’islam. Or, plus l’on descend vers le sud, le long des côtes africaines, plus les populations côtières, y compris musulmanes, consomment des coquillages. Ainsi, Horton observe qu’à Zanzibar, la consommation de coquillage est courante, elle est également pratiquée au Comores. À Mayotte, la récolte de nerita à marée basse est encore aujourd’hui très fréquente tandis que les pêcheurs emploient les lambis comme appât pour la pêche (mais dans ce cas, les coquilles sont retrouvées brisées au bord des plages).
Les espèces les plus abondantes dans les niveaux archéologiques à Acoua sont celles qui se récoltent facilement le long du littoral, contre les rochers, à marée basse. Lors des marées à plus forte amplitude, des espèces comme des lambis, tridacna ou triton étaient collectées. Très souvent, les individus ont été ramassés avant d’atteindre leur âge adulte, signe d’une récolte systématique des coquillages, sans recherche de gestion de la ressource, ce qui peut expliquer les variations des quantités fournies selon les couches archéologiques: certaines espèces, surexploitées, disparaissant des récoltes. Les plus grands individus ont volontairement été brisés pour extraire le mollusque.
Toutes les espèces ne sont pas représentées parmi les rejets alimentaires: les cônes en sont quasiment absents par exemple. Enfin, les huitres et moules ne se rencontrent que dans les niveaux du XIIIe-XIVe siècle. On ne retrouve pas l’abondance des arca anadara erythraeonensis, consommés en grande quantité sur les sites de Majicavo et Dzaoudzi (niveaux d’époque Hanyoudrou repérés en 2011) et qui étaient également employés pour décorer les céramiques locales jusqu’au XIIIe siècle.
À gauche nerita longii, à droite nerita lineata.
L'espèce nerita est très abondante parmi les rejets alimentaires. Encore aujourd'hui, à Mayotte, cette espèce est collectée à marée basse, par les femmes, malgré la faible quantité de nourriture offerte par ce mollusque.
À gauche lambis, à droite lambis chiragra.
À gauche strombina, à droite cerithium.
À gauche calliostoma ligatum, à droite turbo marmoratus. La coquille du turbo est couramment employée pour confectionner des cuillères en nacre.
À gauche, strombus lentiginosus , à droite cymatium (triton).
cypraea (annulus, monneta et tigris): ici assurément récoltés pour être consommés, ces coquillages sont aussi connus pour avoir servi de monnaie (cauris) dans l'océan indien durant l'époque moderne.
À gauche tectus conus, à droite strombus.
À gauche arca anadara erythraeonensis et à droite tridacna maxima.
À gauche mytiloida, à droite ostrea.
À gauche harpa ventricosa, à droite achatina. L'escargot terrestre est tellement abondant parmi les rejets du dépotoir que sa consommation est quasiment certaine.
M.Pauly