Le maïs (Zea mays) est une céréale originaire d’Amérique, cultivée sur l’ensemble du continent durant l’époque pré-colombienne, des actuels Québec à l’Argentine. C’est Christophe Colomb qui ramena dans l’Ancien monde cette découverte lors de ses premiers voyages, au plus tard en 1497. Cette céréale connut dès lors un rapide succès en Europe méditerranéenne, rapidement mise en culture dans la péninsule ibérique.
Fait exceptionnel, lorsque les flottes portugaises atteignent pour la première fois la côte swahili et le nord-est de Madagascar, aux premières années du XVIe siècle, le maïs y est déjà cultivé! Cette affirmation est attestée par plusieurs témoignages contemporains cités ici:
Description du sac de Kilwa et de Mombasa (1505) par la flotte portugaise de Francisco d’Almeida, par Hans Mayr, matelot à bord du Sam Rafael, capitaine Fernan Suarez.
«la ville de Kilwa est située sur une île autour de laquelle des navires de 500 tonnes peuvent naviguer. L’île et la ville ont une population de 4000 personnes. Elle est très fertile et produit du maïs similaire à celui de Guinée, du beurre, du miel et de la cire.»
«Ils [les assaillants Portugais lors du pillage de Mombasa] prirent aussi des provisions: du riz, du miel, du beurre, du maïs, d’innombrables chameaux et une grande quantité de bétail, et même deux éléphants.»
d’après Freeman-Grenville, 1962, p105-112. Freeman-Grenville a repris la traduction d’E. Axelson, South-East Africa, 1488-1530, pp.231-238.
Ces deux évocations attestent de la culture du maïs autour des cités swahilies de Kilwa (Tanzanie) et de Mombasa (Kenya). L’évocation suivante atteste de sa culture à la côte nord-ouest de Madagascar:
Relation de la prise de Langany (nosi manja), baie du «vieux Masselage» (Mahajamba), par la flotte portugaise de Tristan da Cunha, janvier 1506.
«Le lendemain [de la prise de l’îlot de Langany], à l’aube, ils virent venir une foule d’embarcations où il y avaient environ 600 hommes, prêts à mourir pour sauver leurs femmes et leurs enfants qui étaient restés entre les mains des nôtres. Tristan da Cunha, informé de leurs désirs et n’ayant aucune raison de leur infliger un châtiment, leur envoya dire par le chef, qui avait été fait prisonnier la veille, qu’ils pouvaient accoster sans crainte... Tristan da Cunha, en entendant ce discours et en voyant la contenance humble et franche du Maure qui le prononçait et dont la figure triste en disait plus que les paroles, eut pitié de lui et lui dit qu’il se consolât, parce que leurs femmes et les enfants leur seraient rendus, et qu’en échange de ce bienfait il ne demandait que quelques boeufs et des vivres frais, et aussi des renseignements sur le pays. Le Maure, à ces mots, se jeta à ses pieds, baisant la terre sur laquelle ils étaient posés, et après avoir demandé la permission, il s’en fut porter la nouvelle à ses compatriotes qui l’attendaient et qui s’en retournèrent de suite à la terre ferme, d’où ils amenèrent plus de cinquante petites vaches, vingt chèvres, du maïs, du riz et divers fruits.»
Barros, De Asia, cité par A. Grandidier, Collection des Ouvrages Anciens Concernant Madagascar, t1, p27
Description des îles Comores par Baltazar Lobo da Suza, 1557:
«Ils n’existent pas dans ces îles d’animaux venimeux, et on y élève des boeufs des chèvres et des volailles. Elles produisent beaucoup de riz, de maïs, de canne à sucre qui sont très longues et très belles.»
Cité par A.Grandidier, Collection des Ouvrages Anciens Concernant Madagascar, t1. p 104.
Ce témoignage est beaucoup plus tardif, réalisé un demi-siècle après les précédents. Cette description résulte de la première escale portugaise aux Comores. Mais on y apprend, là encore, que l’introduction du maïs a précédé la première escale officielle portugaise. Signe des relations commerciales de l’archipel avec sa région proche.
L’emploi du mot «maize» dans les versions originales écrites en portugais ne met pas en doute la nature de la céréale décrite, car ce terme, d’origine indienne caraïbe, a dès les premiers voyages de Colomb désigné exclusivement le maïs.
Ces témoignages attestent donc que le maïs n’a pas été introduit en Afrique de l’est par les Portugais qui rencontrent la culture de cette céréale de la côte africaine swahilie au nord-ouest de Madagascar au moment de la découverte de ces parages. Bien-sûr, un contact direct entre le sud-ouest de l’Océan indien et l’Amérique pré-colombienne est à exclure, car si les auteurs Portugais sont les premiers à signaler cette céréale dans cette région du monde, les auteurs arabes des siècles passés n’y mentionnent que la culture du riz et du millet.
C’est donc que l’introduction du maïs dans ces régions était assez récente. En réalité, la diffusion du maïs a suivi la voie des échelles commerçantes islamisées de la côte orientale africaine depuis l’Empire ottoman. En effet, de même que la cartographie ottomane intègre très rapidement les découvertes du Nouveau monde réalisées par les Espagnols grâce à un réseau d’espions (d’où la fameuse carte de l’Océan atlantique de Piri Reis, étonnamment précise), les nouvelles plantes ramenées d’Amérique, dont le maïs, sont à l’évidence elles-aussi rapidement accaparées par les Turcs (le maïs est d’ailleurs longtemps appelé en France «blé de Turquie» ou «blé d’Inde»). Ceux-ci vont contribuer via les routes commerciales détenues par les islamisés, à la diffusion de la céréale dans l’Océan indien. Ajoutons que le maïs est appelé à Mayotte mrama (shi-maoré) et tsakou tsakou (ki-bushi), termes qui ne présentent pas de filiation avec le portugais alors que celle-ci est incontestable par exemple pour le tabac appelé tibacou (shi-maoré), lubaka (ki-bushi), plante effectivement introduite par les Lusitaniens.
C’est ainsi que, paradoxalement, les Portugais découvrent en Afrique de l’Est des régions où le maïs est déjà cultivé, et cela même, 13 ans à peine après le retour de Colomb de son premier voyage!
Culture de maïs à Mayotte: le maïs est cultivé à la main, planté de manière clairsemée, il est souvent associé à d'autres cultures comme ici des bananiers (en haut) ou du riz (en bas). Actuellement, les épis sont généralement consommés grillés et vendus ainsi au bord des routes, à partir de janvier-février, période de la première récolte.
Le maïs, fruit de nombreuses sélections à partir de la téosinte et poussant initialement en zone tropicale, est la céréale qui fournit les plus hauts rendements, expliquant certainement par là, son succès et sa rapide diffusion en Afrique orientale via les routes commerciales détenues alors par les islamisés. Cette céréale révèle donc la vitalité des échanges au début du XVIe siècle.
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