Bagamoyo est un important site archéologique de Petite Terre, occupant toute l'étendue du littoral des Badamiers au «boulevard des Crabes».
Un village (IXe-XIIIe siècle) était installé sur toute l’étendue de cette plage (il ne reste aujourd’hui plus aucun vestige de cette ancienne localité, le sable de la dune ayant été depuis, totalement prélevé pour les constructions de Dzaoudzi, Labattoir et Pamandzi). Toutefois à partir de 1975, l’étude archéologique avait débuté avec Claude Allibert, Alain et Jacqueline Argant, et une fouille fut conduite en 1979 et 1981, révélant notamment un four à chaux du XIe siècle (RC14 sur vertèbre de poisson associée et datée 969/1111 de l’ère chrétienne) associé à une céramique complète, élément supérieur du four, dite depuis, «vase de Bagamoyo», l’un des plus beaux témoignages de céramique comorienne médiévale découvert à ce jour.
À gauche: restitution du four à chaux de Bagamoyo (Xe-XIIe siècle), de technologie austronésienne, la ventilation s'opérait par quatre tuyères enterrées alimentées en air par quatre bambous posés à la verticale dans lesquels étaient actionnés des pistons. Le sommet du four était composé d'une céramique renversée dont le fond était percé pour faire échapper les fumées.
La chaux ainsi produite à partir du calcaire de coquille était soit destinée à la consommation de bétel, soit au calfatage des coques des navires.
À droite: le vase de Bagamoyo.
Les crânes rejetés par la marée et étudiés par les chercheurs ont montré l’hétérogénéité des populations inhumées sur ce site: Austronésiens, Sémites et Bantous (avec une dentition particulière puisque les dents sont taillées en pointe, voir ci-contre), ce qui fait de Bagamoyo un site majeur pour comprendre l’origine des populations qui peuplèrent l’archipel à l’époque médiévale. Rappelons, que le toponyme «Bagamoyo» est présent en Tanzanie, près de Dar-es-Salam et que cet ancien port était une plaque tournante de la traite des esclaves.
La fouille de lʼINRAP (Courtaud 1995 et 1999) a confirmé lʼexistence de sépultures musulmanes pour les XIIe-XIIIe siècles par datation RC14 (rapport conservé par la MAPAT). Une sépulture de la zone sud -la plus ancienne-, également de rite musulman, a fourni une datation RC14 du Xe siècle, et à ce titre, constituerait le plus ancien témoignage de la présence de l'islam dans l'archipel des Comores.
Nous livrons ici un extrait du résumé fourni par le site Internet du laboratoire d’anthropologie de Bordeaux d’où sont tirées les photographies de la fouille de 1999:
http://www.u-bordeaux1.fr/anthropologie/Pages/Fouilles/Bagamoyo/Bagamoyo.htm
Nous avons porté nos efforts sur des sondages et des coupes stratigraphiques visant à appréhender l'étendue et le degré de conservation des structures et des vestiges enfouis. En parallèle, nous avons effectué la fouille de plusieurs tombes. L'architecture funéraire tout comme la disposition des défunts s'accordent parfaitement avec le rituel musulman. Une structure intacte se caractérise par une architecture funéraire de surface constituée d'une rangée de dalles verticales qui vient délimiter la fosse sépulcrale. Elles constituent une rangée où parfois les éléments se chevauchent pour former un double alignement. Leur taille verticale varie de 20 à 50 cm pour les plus importantes. L'orientation générale, nord nord-est / sud sud-ouest, n'a, semble t-il, pas fait l'objet d'une attention particulière car les variations sont importantes. Le cadavre est déposé en décubitus latéral droit ou en position intermédiaire qui tend vers un décubitus ventral ou décubitus dorsal Le crâne occupe l'extrémité nord-est de la tombe avec la face qui regarde vers le nord (vers la Mecque). Les membres supérieurs sont légèrement fléchis avec les mains qui viennent se rejoindre au niveau du bassin ou de l'extrémité proximale des fémurs. Les membres inférieurs sont également parfois fléchis. Le crâne et le calcanéus droit s'appuient parfois sur un galet. Le mobilier funéraire est absent, excepté dans la partie supérieure du remplissage où ont été parfois déposés des brûle-parfums.
Equipe scientifique : P. Courtaud - UMR 5199 CNRS - Laboratoire d'anthropologie F. Convertini - INRAP Méditerranée - 12, rue Régale - 30000 NIMES B. Desachy - DRAC Picardie M. Belardi - INRAP Nord-Picardie - 518, rue St-Fuscien -80000 AMIENS A. Bacar, B. Hamissi et M. M'Trengoueni - MAPAT - Collectivité Territoriale - Délégation des Affaires Culturelles - Mayotte H. Bocherens - UMR 5554 -Inst. Des Sciences de l'Evolution -Montpellier II - (Etude de paléonutrition) Department of GeoSciences - University of Arizona -Tucson (datation 14C)
La mangrove de Bagamoyo, préservée par le conservatoire du littoral, recouvre peu à peu le site archéologique en assurant ainsi sa préservation
Références:
Claude Allibert, Alain et Jacqueline Argant
1983 "le site de Bagamoyo, Mayotte" Études de l'Océan Indien n°2, Inalco Paris.
Patrice Courtaud
1998, le site de Bagamoyo, Mayotte, Petite-Terre, non publié, rapport d’opération archéologique remis aux affaires culturelles, 48 pages plus annexes.
2000, le site de Bagamoyo, document final de synthèse, non publié, rapport d’opération archéologique remis aux affaires culturelles, 62 pages plus annexes.