La pointe tsiraka Kahirimtrou ("là où l'on de doit pas appeler quelqu'un") est un lieu rempli de superstitions. Il n'est pas rare, à Acoua, village de langue malgache sakalava, de rencontrer des personnes qui avouent n'avoir jamais voulu s'y rendre, par peur des esprits (djins).
C'est en effet sur un magnifique plateau appelé "Antsiraka Boira", dominant le lagon, où poussent bananiers, orangers, manguiers, arbres à pain,... où se situe un très ancien site archéologique, reconnaissable aux tessons de céramique ancienne qui jonchent le sol. Les plus anciens remontent à l'époque médiévale (tradition Hanyoundrou Xe-XIIIe siècle) et sont associés à un petit nombre d'importations moyen-orientales et malgaches. Quelques scories signalent l'existence d'une métallurgie ancienne.
Ce site archéologique, probablement aussi ancien que le site voisin d'Agnala M'kiri (occupé dès la fin du IXe siècle), a la particularité de n'avoir ni vestige maçonné ni les traces de mosquée. Par contre, un énorme rocher trône au centre du site. Autour de celui-ci, la densité de tessons est la plus élevée, particulièrement sur ses faces Sud et Est. Il s'agit probablement d'une pierre sacrée malgache, "vatomasina", comme décrite en ces termes par Gevrey en 1870:
"Les Malgaches sont extrêmement supersticieux. Sur le route d'un de leurs villages, à Mayotte, il y avait une grosse pierre pour laquelle ils semblaient avoir une dévotion particulière, car elle était toujours couverte de fleurs, de colliers de grains, de fruits, quelquefois même de pièces de monnaie. Il est vrai que cette pierre se trouvait à côté d'un cimetère et qu'ils ont une peur horrible des morts."
Cette description convient particulièrement à ce rocher d'Acoua, qui dès l'époque médiévale bénéficia d'un culte de rite malgache. Cette vatomasina atteste surtout de l'ancienneté du peuplement malgache à Acoua ce qui n'est pas sans conséquence pour l'histoire de Mayotte. Jusqu'à présent, il n'était connu que la pierre sacrée des Sakalaves du village de Choungi, au lieu-dit Andebe, mais aucun tesson ancien n'y était associé pour en déterminer l'ancienneté.
La vatomasina d'Acoua atteste donc, comme pour les sites de la période Dembeni (IXe-XIe siècle) de l'ancienneté du peuplement malgache à Mayotte que certains attribuaient à une période beaucoup plus récente.
L'urbanisation actuelle hélas, est aux portes de ce site, et il est à craindre que cette pierre sacrée soit prochainement éclatée par des carriers comme une pierre identique, jadis sur le site d'Agnala Mkiri, qui recevait jusqu'à sa destruction, un culte aux djins.
Une protection de ce site permettrait, assurément de préserver la trace médiévale des origines malgaches du peuplement de Mayotte.
Martial Pauly