Origine de l’islam aux Comores
L’islamisation des Comores est ancienne, débutant, avec certitude dès les XIe-XIIe siècles, période pendant laquelle apparaissent les premières sépultures de rite musulman (à Mayotte: sépultures de Mitseni, nécropole de Bagamoyo). Ces découvertes archéologiques confirment les écrits du géographe arabe al-Idrisi qui au début du XIIe siècle nous apprend que les élites de l’archipel sont musulmanes. À Ntsaweni (Ngazidja), il a été annoncé récemment (décembre 2010), par l’équipe du professeur Chami, la découverte d’une mosquée des premiers siècles de l’Hégire, mais cette datation n’a pas été confirmée. La connexion de l’archipel au grand commerce de l’Océan indien dès le IXe siècle permet toutefois d’envisager cette époque pour placer les premiers contacts avec des islamisés.
Un faisceau d’indices, tant fournis par les traditions que par l’archéologie attestent de l’existence aux Comores, à l’instar de l’Afrique orientale, de communautés chiites avant le XIIIe siècle.
L’Afrique orientale, dès le VIIIe siècle, accueille des communautés musulmanes dissidentes telles les Zaydites et les Ibadites (c'est à ces communautés que l'on doit les premières mosquées en Afrique orientale). Du IXe au XIe siècle, les réseaux commerciaux entre l’Afrique et le Moyen Orient, sont entre les mains des ports du golfe persique (Siraf, Bahrein, Basorah) contrôlés principalement par des Chiites: Buyyaides du Fars (Chiites duodécimains), Qarmates du Bahrein (chiites ismaéliens). Les migrations shirâzi en Afrique de l'Est se placent dans ce contexte. Sous le terme de «Shirâzi», il faut reconnaître les lignages aristocratiques établis en Afrique et issus de cette diaspora chiite. L’essor urbain de l’Afrique swahili est attribué à ces «Shirâzi», introducteurs de la civilisation arabo persane en Afrique de l’Est, comme l'ont montré les récentes fouilles de Stéphane Pradines à Sanje ya Kati (Région de Kilwa, Tanzanie), où un urbanisme influencé par le Golfe persique a été mis en évidence pour les Xe-XIIe siècles.
Au XIIe siècle, les Ayyubides d’Égypte mettent un terme à la dynastie Fatimide chiite ismaélienne et adoptent le sunnisme chaféite. Les conquêtes en mer Rouge des Ayyubides vont étendre l’islam sunnite chaféite au Yémen. Au XIIIe siècle, la dynastie yéménite des Rassulides va poursuivre la diffusion du sunnisme chaféite dans l’Océan indien, à la faveur des réseaux commerciaux contrôlés par les Yéménites et Hadrami. Ainsi, le prospère sultanat de Kilwa, jusqu’alors gouverné par la dynastie shirazi, passe entre les mains de la dynastie hadrami des Madhali. Ces changements politiques sont accompagnés de changements religieux: avec la suprématie des clans hadrami et yéménites, s’impose l’islam sunnite chaféite en Afrique orientale.
En 1331, le célèbre voyageur ibn Battutah voyage en Afrique orientale jusqu’à Kilwa. Il ne rencontre que des musulmans sunnites chaféites.
Il ne fait donc aucun doute que les premiers musulmans aux Comores étaient par conséquent chiites. Des communautés ibadites et zaydites purent certainement s’y établir. Il semble que le sunnisme chafiite ne s’imposa qu’avec l’établissement des sultanats shirâzi sunnites au XVe siècle. Les Comores présentent donc quelques temps un certain conservatisme religieux chiite. On comprend alors l’origine des discordes entre les nouveaux arrivants shirâzi sunnites et les chefferies locales, relatées par les traditions.
Toutefois, la conversion au sunnisme chaféite se fit rapidement après l’instauration des sultanats shirâzi aux Comores: au début du XVIe siècle, Piri Reis signale que toutes les îles des Comores sont de rite chaféite. Cette doctrine est encore aujourd’hui celle des Musulmans comoriens, à l’instar de ceux de l’Afrique orientale, de l’Egypte, du Yémen, de l’Indonésie et de la Malaisie.
Les mosquées anciennes à Mayotte
Une vingtaine de mosquées anciennes existent à Mayotte et la très grande majorité sont ruinées du fait de l'abandon de ces anciens villages à la fin du XVIIIe siècle.
Leur datation est très incertaine : les plus anciennes pourraient remonter au XIVe siècle mais seule la date de construction de la mosquée de Tsingoni est aujourd'hui acquise grâce à une inscription conservée dans son mihrab. En effet, le sultan Aïssa (ou Ali) ben Mohamed embellit une mosquée initiale par l'ajout d'un nouveau mihrab, en corail sculpté, en 1538.
Il paraît probable que les premières mosquées étaient de taille modeste et construites en matériaux périssables. Il reste aujourd'hui à l'archéologie d'en découvrir les traces.
Carte: localisation des anciennes mosquées
L'architecture religieuse à Mayotte:
Les mosquées anciennes de l'île présentent les mêmes grandes caractéristiques empruntées à l'architecture religieuse swahili elle-même copiée des mosquées du Hadramaout: une salle de prière avec mihrab encadré par deux couloirs latéraux accessibles par une cour où est placé un bassin pour les ablutions.
Ces mosquées n'ont pas de minaret et, de taille modeste, ne peuvent accueillir qu'une cinquantaine d'hommes. Les toitures étaient principalement réalisées avec une couverture végétale à deux pans, mais Tsingoni possédait une toiture plate soutenue par des piliers dans la salle de prière.
Les murs, construits en blocs de pierre et de corail sont généralement couverts d'enduit de chaux et ne possèdent pas d'autre décoration. Le mihrab de Tsingoni, réalisé à partir de corail sculpté, est à ce titre un exemplaire remarquable et unique dans l'île de l'art religieux dont on retrouve des parallèles à Domoni (Anjouan) et dans les anciennes cités swahili de la côte africaine.
À gauche: "zamzam": vasque maçonnée pour les ablutions (mosquée du vieux Dzoumogné), à droite: fragment de bassin aux ablutions avec pilastre décorative (mosquée de Jimawe).
De gauche à droite: fragment de la voûte du mihrab de la mosquée d'Hajangoua, ruines de la mosquée de Bandrélé, mihrab de la mosquée de Jimawe (façade extérieure).
Rare minbar maçonné conservé à Mayotte, mosquée de Maouéni.
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M.Pauly
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