Plusieurs sondages archéologiques à Acoua-Agnala M’kiri font nettement apparaître en stratigraphie, à des profondeurs similaires, une couche homogène présentant un niveau de sol rubéfié [brûlé] associé à de la cendre et des charbons de bois. On y rencontre également des «lits de tessons» indiquant que des vases furent brisés au sol lors de cet épisode violent:
Couche d'incendie (indiquée par les flèches) observée en 2006 et en 2008.
Sondage 2011-2012: sol rubéfié et lit de tessons:
Cette strate d’incendie, bien datée grâce à l’association d’un tesson de sgraffiato tardif du début XIIe siècle, se rencontre sur la totalité de la superficie occupée par le village d’Acoua à cette époque. C’est le résultat d’un important incendie qui détruisit la totalité du village.
On imagine sans peine, le feu attisé par le vent se propager de case en case, à une époque où celles-ci étaient toutes construites en végétal.
un incendie accidentel?
Un évènement similaire s’est déroulé à Acoua (village moderne) au début du XXe siècle. La mémoire villageoise s’en souvient en ces termes:
« Il y eut il y a un siècle environ un terrible incendie qui détruisit toutes les maisons d’Acoua sauf la mosquée qui était en pierre. Le feu avait pris alors que des femmes préparaient un repas. Il soufflait ce jour là un fort vent qui attisait les flammes alors que toutes les maisons étaient construites en feuilles de cocotier. Un homme très méchant avant de partir travailler à la campagne avait dit à sa fille de ne sortir de chez elle sous aucun prétexte si bien que celle-ci mourut dans la maison en flamme. »
Nul doute, au vue de la couche de destruction observée dans les niveaux archéologiques médiévaux, que l’incendie du village d’Acoua-Agnala M’kiri au XIIe siècle fut tout aussi important. Le développement du village ne s’interrompit cependant pas pour autant et les habitants reconstruisirent sur les cendres comme l’indique la non interruption de l’occupation humaine dans la stratigraphie.
Rien n’atteste pour l’heure que cet incendie ait pu avoir une autre origine qu’accidentelle. Cependant, à l’avenir, si d’autres sites archéologiques révèlent des traces de destructions violentes similaires au début du XIIe siècle, il faudra alors reconsidérer cet épisode qui témoignerait alors d’une guerre locale.
Le rempart maçonné d’Acoua sera quant à lui construit quelques décennies plus tard, toujours durant la première moitié du XIIe siècle. Le village, jusqu’alors simple hameau, démarre alors une spectaculaire transformation avec la construction de cet enclos pastoral/défensif formant une boucle d’un kilomètre de long: Acoua devient l’une des principales chefferies de Mayotte.
On peut se plaire à penser que ces deux épisodes autour de 1100-1150, incendie du village puis construction du rempart, sont liés et que tous deux témoigneraient des troubles caractérisant la fin de la période Dembeni, mais il faut bien prendre garde, en archéologie, à la surinterprétation...
M.Pauly