Mtsamboro, au nord-ouest de l'île est une commune qui présente un grand intérêt archéologique. Évidemment, le visiteur qui en se promenant dans le village moderne, à la recherche de ce passé historique dans le quartier de Mjikura, serait certainement perplexe tant l'urbanisation actuelle a recouvert ces derniers vestiges. Sachez cependant que jusqu'en 2004, il était possible de voir, dans les ruelles encore en terre battue, les arases de très nombreux murs témoignant d'un urbanisme ancien. La municipalité d'alors, avait fait le choix d'ensevelir ces derniers vestiges sous une couche de béton lors de l'aménagement de ces ruelles: Assurément préservés (il faut être optimiste quand on fait de la recherche archéologique à Mayotte) ces vestiges sont malheureusement actuellement invisibles pour le visiteur!
Mtsamboro cumule les découvertes archéologiques fortuites où bien sûr, les archéologues ne sont jamais conviés! Toutefois, le témoignage de personnes de bonnes volontés mettant de côté les superstitions, nous révèlent que tantôt ici, des squelettes ont été découverts, que là, des murs en corail sont apparus, etc. Curieuse dévotion au passé qui interdit son étude archéologique mais qui autorise sa destruction!
Heureusement pour la science, en 1996, Daniel Liszkowski avait mené un relevé schématique de ces vestiges et entrepris un sondage qui avait permis de révéler une portion d'habitation en pierre bien datée aujourd'hui des XVIe-XVIIe siècles. Mais Mtsamboro est loin d'avoir livré tous ses secrets: car son urbanisme est probablement aussi ancien que celui d'Acoua (XIVe-XVe siècle), à la différence que Mtsamboro, ayant joué le rôle de capitale au XVe siècle, conserve les vestiges d'un pangahari (palais) encore visible dans la topographie urbaine grâce à une butte de décombres.
Relevé des vestiges de Mtsamboro.
Les sources écrites et orales disponibles concordent pour faire de Mtsamboro le lieu d'installation du premier prince shirazi, Attumani ben Mohamed, à la fin du XVe siècle. De son mariage avec la fille du fani de Mtsamboro, Mwalimu Poro, il fonda le premier lignage aristocratique qui est à l'origine de la dynastie de sultans shirazi de Mayotte. Ce Mwalimu Poro (de Mwalimu, sorcier, et Poro, de Pir, qui désigne les chefs de confrérie soufi) joua probablement un rôle important à Mayotte en cette fin de XVe siècle puisqu'il est présenté dans les chroniques comme le "Cheik de tout le pays", et je pense qu'il fut ainsi le dernier beja de Mayotte (exerçant une royauté traditionnelle avant l'établissement du sultanat shirazi).
Lors du déplacement de la capitale du sultanat de Mtsamboro à Tsingoni sous le sultan Isa ben Mohamed, vers 1530, Mtsamboro resta une localité importante de Mayotte, en tant que principal port tant pour les boutres arabes que pour les navires européens. On sait que des Hollandais visitèrent cette ville en 1599 selon le récit de Davis. La ville figure par la suite sur des cartes sous le nom "Davis' town". En 1680, Mtsamboro est indiqué sur la carte de Hacke sous le nom "Maricham". La fouille de Liszkowski nous indique qu'à cette date, la ville présente l'aspect d'une médina arabe en pierre mais, sur le déclin: dès la fin du XVIIe siècle, les maisons en pierre tombent en ruine et l'habitat en végétal sur ces ruines prédominent. Nos observations à Acoua confirment ce déclin généralisé des sites urbains de Mayotte dès la fin du XVIIe siècle.
Photographies des vestiges actuels du palais: deux structures apparaissent dans cette zone de forts décombres: une arase de mur maçonné et un alignement de colonnes basaltiques couchées que j'interprète comme les restes d'un escalier monumental permettant l'accès à l'étage du palais (la tradition villageoise y voyant là les restes d'un souterrains reliant le palais à la mosquée, souterrains qui du reste tout le monde connaît mais n'a jamais vu).
Photographie prise en 2007 d'une énigmatique colonne basaltique dressée, côté mer, le long de l'axe principal qui traverse l'ancienne cité de Mtsamboro. Info prise, il s'agit d'une colonne basaltique provenant de la jetée de Dzoumonyé ramenée en 1989 par un groupe de jeunes du village!