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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 11:36

Tsingoni, bourgade occupée au moins depuis le XIVe siècle et devenue l’ancienne capitale de Mayotte, des années 1530 à la fin du XVIIIe siècle est mentionnée dans un nombre non négligeable de sources historiques dès le début du XVIe siècle:


 

Piri Reis, Kitab-i-barhije, 1521 :

 « La seconde île est nommée Magota.

On dit que les Portugais y ont mis des hommes.

Elle a un Chah.

Sa population est noire et blanche.

Ils sont chafi’i parmi eux point d’hypocrisie.

Elle a une ville nommée Chin Kuni. 

N’y règnent que des sheikhs»

 

Cet extrait de la description de l’archipel des Comores par Piri Reis, dans son Kitab-i-barhije,  écrit en 1521 à partir notamment d’informateurs portugais est la plus ancienne mention de Tsingoni dans les textes. On y apprend que dès cette époque règne sur Mayotte un Chah, nom persan pour désigner le roi, probablement de la dynastie shirazi et que des sheikhs y résident, plus loin on apprend le nom d’un de ces cheiks, faqih Mulazi (fani? Mulazi) qui par ses prières aurait chassé une flotte portugaise. Tsingoni y apparaît comme une localité importante mais n’est pas explicitement présentée comme étant la capitale puisqu’il «n’y règnent que des cheiks».

 

Inscriptions du mihrab de la mosquée shirazi de Tsingoni, 14 avril 1538:

Ce mihrab a été construit par le Sultan Ali fils / du sultan Mohamed, le 

jour de [lacune] / du quatorzième jour de dhi lqi’da 

de l’année du Vendredi [après ?] [mot illisible], 

quatre / quarante et neuf cent [944] de l’Hégire / [courte ligne lacunaire] sur 

celui qui l’a accompli les meilleures prières / et le salut. 

 

Cette inscription fondamentale précise le règne du troisième sultan de Mayotte et atteste qu’à cette date, 1538, Tsingoni est devenue la capitale du sultanat de Mayotte.

 

Carte anonyme de 1680, dans la légende : « La ville de Legatongill (Tsingoni), où le roi habite & où il y a une mosquée & dite contenir 1000 hommes »

 

Deuxième mention de Tsingoni, dont le nom est déformé sous un vocable anglo-hollandais. La mosquée y est mentionnée bien que sa taille soit très exagérée.

 

1726, Histoire générale des pirates, Daniel Defoe, du capitaine Nathaniel North, chapitre X

Ce récit plus ou moins romancé rapporte les exactions commises par le pirate North à Mayotte en 1701 ou 1702:

«Après avoir passé trois jours dans la ville [Tsingoni], ils encerclèrent la maison du roi, et le capturèrent avec tous ceux qui s’y trouvaient; le fils du roi réussit à se frayer un chemin dans la cohue avec sa machette, mais il fut tué peu après. Le prétexte qu’ils invoquèrent pour ce comportement peu respectueux de l’hospitalité était que le roi avait empoisonné l’équipage d’un navire de leur flotte; et il ne servit de rien de protester du mieux qu’il pouvait: eux-mêmes n’avaient évidemment jamais entendu parler d’un navire portant ce nom, puisqu’ils l’avaient inventé. Il emmenèrent le roi à bord, et placèrent les autres prisonniers dans une sorte de temple, avec une garde de 36 hommes.»

Par la suite North obtient du sultan une rançon pour sa libération, puis lors d’une seconde escale sur l’île, cette fois-ci, Tsingoni est incendiée.

 

Malgré l’aspect très romancé de ces récits, Defoe semble s’appuyer sur des sources directes ce qui rend les informations exposées comme relativement plausibles: Le sultan qui subit ces exactions serait Ali ben Omar dont on sait que la succession posa problème du fait de la mort de son fils Hussein (le prince assassiné par les pirates?) et marqua le début des rivalités entre les différentes branches aristocratiques mahoraises (voir l’article sur les causes de l’effondrement de la civilisation classique à Mayotte). 

 

Vincent Noël, 1841 : « Nous citerons parmi les lieux remarquables de l’île (...) Tchingoni, l’ancienne capitale, dont il ne reste aujourd’hui que quelques pans de murailles, des pierres tumulaires couvertes d’inscriptions arabes et des débris de mosquée. »

 

Lors de la mission de reconnaissance à Mayotte, Vincent Noël accompagne le commandant Passot. Il nous livre la description de Tsingoni, bourgade ruinée. C’est aussi un rare témoignage de l’existence d’une muraille autour de Tsingoni, dont les vestiges ont aujourd’hui totalement disparus.

 

Cadi Oumar Aboubacar Housseni, chronique de Mahore, 1865 : 

« Le sultan Mouhamed le chirazien, qui régna à Ndzuani, laissa des fils à Maoré et à Ndzuani. A Maoré, c’est son fils, le sultan Issa qui fit construire la mosquée de Tsingoni »

 

Selon Omar Aboubacar, le fils de Mohamed se dénommait Issa (Haïssa pour Gevrey), mais les inscriptions de la mosquée livrent la lecture Ali ben Mohamed, ce que confirmerait la tradition qui veut que le premier roi à régner à Tsingoni était Fauméali ben Ahmadi.

 

« (Sultan Bwana Ko’mbo de Ndzuani et ses mercenaires Betsimisaraka) revinrent en grand nombre, à Maoré et livrèrent bataille, pendant plusieurs jours, à Tsingoni. Dans cette ville, régnait le sultan Bwana Ko’mbo (de Maoré) qui descendait des filles du sultan Omar fils du sultan Ali. Les Betsimisaraka détruisirent la ville de Tsingoni en 1313 de l’Hégire. Ils tuèrent le sultan Bwana Ko’mbo et capturèrent un grand nombre des habitants de la ville. »

 

La chronique du cadi Oumar Aboubacar attribue aux razzias malgaches la destruction de Tsingoni mais il semble bien que dès 1791, la ville soit déjà abandonnée puisque le capitaine Péron ne signale pas son existence. Les expéditions militaires anjouanaises de la seconde moitié du XVIIIe siècle et peut-être les épisodes de pirateries du début du siècle sont semble-t-il responsables du déclin de la localité.

 

Gevrey, essai sur les Comores, 1870 : 

« Le sultan Haïssa y bâtit la mosquée qui subsiste encore aujourd’hui, quoiqu’en très mauvais état. Les murs très épais sont en chaux et corail, et la couverture en feuille de cocotiers. Deux rangées de lourds piliers partagent l’intérieur en trois petites nefs. De chaque côté de la niche du chœur on voit deux versets du Coran inscrits en lettres Arabes sur des plaques de terre cuite, couvertes d’un vernis de couleur verte. Une autre inscription, également en pur arabe, indique que la mosquée a été bâtie l’an 944 de l’Hégire (1566). Ce monument est lourd et massif, avec des ouvertures en ogive écrasée. Devant la porte, à droite de l’escalier, on voit le tombeau d’Haïssa, petite construction rectangulaire en ciment avec socle, corniche et couverture, ornée, sur les côtés, d’applications de porcelaine à fleurs bleues, dont il reste quelques fragments. L’intérieur du mausolée, haut d’environ 1,50 m, est vide et éclairé par des trèfles. À côté se trouvent plusieurs tombeaux de sultans et de sultanes, entre autres celui de Magoina Aminah, fille d’Haïssa ; ces sépultures, élevées dans le même style, entouraient la mosquée ; elles sont complètement ruinées, ainsi d’ailleurs que la ville de Chingoni ; il ne reste que quelques pans de murs de l’enceinte et une quarantaine de baraques. Mais ce lieu est encore en grande vénération parmi les Arabes ; et ce n’est pas en démolissant, comme l’a fait un colon, il y a quelques années les murs de cette mosquée pour faire de la chaux avec le corail, que nous gagnerons les sympathies de la population. »

 

Gevrey est le premier à apporter une description de la mosquée et des inscriptions qu’elle comporte. La lecture 944 de l’hégire était juste mais sa conversion en 1566 par le simple ajout de 622 (date de l’Hégire) fut une erreur maladroite reprise par de nombreux auteurs par la suite.

La description de deux rangées de lourds piliers dans la salle de prière pose problème, car aujourd’hui seul un pilier en position axiale subsiste laissant penser qu’initialement, une seule rangée de piliers existait tout comme à Domoni à Anjouan. Peut-être que Gevrey confondit dans ses écrits Tsingoni avec une autre mosquée de l’archipel qu’il avait visité. Un sondage archéologique dans la salle de prière de la mosquée de Tsingoni apporterait un éclairage sur cette question. 

 

Mkadara ben Mohamed 1931-1932 :

 « Quand celui-ci fut couronné (Sultan Aïssa Ben Mohamed), il construisit la mosquée de Tsingoni en 844 de l’Hégire » 

 

Saïd Ahmed Zaki, chronique d’Anjouan, 1927:

« Mohamed ben Hassan se maria avec sa cousine Amina, fille du sultan Aissa, remplaça définitivement son père sur le trône de Mayotte (1443). Celui-ci régna à Mayotte sous le nom de Sultan Aissa 1er. La mosquée construite à Tsingoni porte la date de 844 H (1441).

 Nous nous sommes empressés de devancer cette partie de notre histoire bien qu’elle ne dût pas être ici afin de pouvoir prendre comme base certaine la date ci-dessus pour la comparer avec celle de 1503 de l’ère chrétienne que nous trouvons portée dans plusieurs ouvrages comme date à laquelle les Chiraziens seraient venus aux Comores. Nous en déduisons 40 ans, en supposant que ce fût le temps écoulé depuis l’arrivée de Hassan grand-père de Haissa ben Mohammed, jusqu’à la fin des travaux de la construction de Tsingoni, moment où Aissa eut l’heureuse idée de faire graver la date de 844 (1441). Selon notre supposition, l’arrivée de Hassan daterait de 1401, ce qui nous porte à croire que les Chiraziens étaient déjà aux Comores lors du passage des Portugais ». 

 

Mkadara, l’auteur de la chronique de Mtsamboro tout comme Saïd Ahmed Zaki réfutèrent la date de 944 avancée par Gevrey pour lui préférer celle de 844 (peut-être à partir d’une erreur de copie d’un des manuscrit du cadi Oumar Aboubacar). Said Ahmed Zaki avança à partir de cette date erronée une chronologie pour l’arrivée des Shirazi remise aujourd’hui en question.

 

Urbain Faurec 1941 Histoire de l’île de Mayotte, dans l’archipel des Comores :

« A Chingoni, une des vieilles cités de l’île, demeurent les restes d’une mosquée construite, croit-on, sous le règne d’Hassani et dont le fronton porte la date 944 de l’Hégire, soit 1566 de notre ère. Alentour de la mosquée gisent les ruines de plusieurs tombes qui seraient celles de ce sultan, de sa fille Magoïna-Aminah et de leurs descendants. Ces vestiges, qui portent encore des fragments d’inscriptions et de décorations en porcelaine bleutée, demeurent un lieu de pèlerinage vénéré par les insulaires. »

 En 1936 : « Au centre de Mayotte, le petit village de Chingoni conserve encore une très vieille mosquée dont le cintre d’entrée porte la date de 944 de l’Hégire, 1566 de notre ère.

C’est une construction extrêmement modeste, en blocs de coraux enduits de chaux et malheureusement couverte en tôle ondulée. Cette mosquée ne comporte pas de minaret et c’est sur une sorte de palier extérieur qu’apparaît le muezzin pour réciter la prière. Alentour gisent quelques tombes qui portent encore des fragments de décorations en porcelaine bleutée. Ce serait là, assure-t-on,  les tombeaux du sultan Hassani et de ses descendants qui régnèrent sur Mayotte dès le début du XVIème siècle. Ces vestiges sont les plus anciens témoins de la domination musulmane sur l’île. »

 

Urbain Faurec, le père de l’expression «les sultans batailleurs», s’appuie abondamment sur les écrits de Gevrey. Mais l’inscription qu’il évoque n’est semble-t-il plus visible puisqu’il l’imagine placée sur le fronton d’une porte de la mosquée. Il faudra attendre la fin des années 1990 pour que les inscriptions réapparaissent sur le mihrab lors du rafraîchissement de ses peintures.

 

 

M.Pauly

 

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26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 13:32

Au XVIe siècle, Mayotte est une île peuplée, devenue un sultanat depuis la fin du XVe siècle, sa capitale, Tsingoni n’a rien à envier aux autres villes de l’archipel. Sa mosquée, achevée en 1538 est la réplique de celle de Domoni, la capitale du sultan d’Anjouan. L’aristocratie locale prospère du commerce régional entre l’Afrique et Madagascar en voyant transiter tissus indiens, riz malgache et esclaves. Des bourgs prospères se développent, où derrières de vieux remparts, les notables résident dans de grandes demeures en pierre. De nombreux villages participent à la mise en valeur agricole de l’île réputée pour l’abondance de ses productions. Lorsque la flotte portugaise de Baltazar Lobo da Suza débarque à Mayotte en 1557, il y est estimée la population à près de 12 000 habitants. Voici le tableau que l’on peut dresser pour Mayotte durant l’époque classique, pourtant, près de trois cents ans plus tard, lorsque l’administration française effectue le premier recensement de population, elle ne dénombre que quelques milliers d’habitants à Mayotte, principalement regroupés sur Petite Terre.

Les troubles et l’insécurité ont plongé la population de l’époque dans un grand dénouement. Son dernier sultan, Adriantsouli est très éloigné de la splendeur des sultans du passé qui faisaient l’admiration des navigateurs européens de passage, vêtus de riches étoffes de soie à la mode des «Turcs» (d'après Davis, qui visite Mayotte, certainement Mtsamboro, en 1599). Il semble admis depuis les écrits de Gevrey et du Cadi Omar Aboubacar que les razzias malgaches soient responsables de cet effondrement démographique, ayant rendu l‘île exsangue par la capture massive de sa population dans le but d’alimenter la traite des esclaves. Cet effondrement démographique  est aussi accompagné d’un effondrement de la civilisation: villes et villages vont être abandonnés de leurs habitants, à commencer par les plus aisés cherchant ailleurs une protection, la construction en pierre disparaît et l’île autrefois si fertile se couvre de friches.  Pourtant d’autres îles des Comores, tel Anjouan et Ngazidja, qui ont durement soufferts des attaques malgaches,n’ont pas connu un effondrement de la civilisation comme à Mayotte. Seule Mohéli partage ce même destin. C’est donc que d’autres causes plus anciennes sont à envisager pour expliquer ce déclin, que l’archéologie elle-même observe dès la fin du XVIIe siècle. En effet, dès cette époque des villages très prospères aux siècles précédents, où l’aristocratie locale vivait dans des grandes demeures en pierre sont abandonnés soit près d’un siècle avant le début des razzias malgaches. Les luttes intestines pour le pouvoir à l’intérieur même de l’aristocratie mahoraise puis les interventions militaires anjouanaises qui bien avant l’époque des razzias malgaches vont accabler l’île de pillages et de destructions tout au long du XVIIIe siècle sont, à l’évidence, les véritables causes de l’effondrement de la civilisation classique à Mayotte.

 

luttes pour le pouvoir et incursions de pirates à Mayotte: les troubles de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle.

L’étude historique de la succession des règnes du sultanat de Mayotte n’est pas aisée: les  principales sources sont les lignages généalogiques fournis par le Cadi Omar Aboubacar et celle de la chronique du Cheik Mkadara, et ne se recoupent pas toujours entre elles. Gevrey ( Essai sur les Comores 1870) a relevé une liste de sultans à laquelle il a fourni un début de chronologie approximative mais bien souvent erronée. Ces sources, confrontées aux rares témoignages contemporains transmis par les relations de voyage européennes (la plupart publiées par A. et G. Grandidier, dans les volumes de la Collection d'ouvrages anciens sur Madagascar, entre 1903 et 1912) permettent de situer certains règnes et parfois apportent des renseignements très précieux.

Dès le XVIIe siècle, Mayotte connaît des crises de succession, on apprend ainsi qu’en 1643, le roi Ali avait été assassiné puis que son fils Omar était parvenu à lui succéder (d'après les Factories de Forster, cité par Anne Sauvaget, 1994, Documents anciens sur les îles Comores 1591-1810, et Claude Allibert 2000, la chronique de Said Ahmed Zaki, Anjouan dans l'histoire p76). Son règne ne semble pas avoir connu d’autres épisodes de violence et s’achève vers 1680. Il est même admis que cette fin de règne marque un terme à la prospérité de l’île: le siècle qui suit étant caractérisé par des troubles. L’île voit les escales européennes décroître.

 Au sultan Omar succède son fils Ali, qui à en croire le très controversé Defoe (alias capitaine Johnson, "Histoire générale des pirates"subit l’attaque de Tsingoni en 1701 par le pirate Nathaniel North et le meurtre de son fils, le prince Hussein.

 Puis jusqu’aux années 1740, plusieurs souverains se succèdent, tous issus de branches rivales descendant du sultan Omar. C’est finalement Salim, fils d’une fille du sultan Omar et d’un noble Anjouanais Mogné Fani, qui s’empare du pouvoir après avoir détrôné son oncle Abubacar (d’après Gevrey). Le sultan d’Anjouan, Salim dit «la grenade du paradis» ne semble pas être étranger à cette succession et aurait pu envoyer des troupes soutenir le parti de Salim, dans l’idée d’imposer sa suzeraineté sur le sultanat de Mayotte. Ainsi, les sultans d’Anjouan vont pour plusieurs décennies prétendre à la suzeraineté sur l’île de Mayotte.

 

interventions anjouanaises vers 1740-1791

Salim, s’il semble effectivement accepter un temps l’allégeance au sultan d'Anjouan à qui il doit son installation au pouvoir, ne la reconduit pas sous le règne de son successeur, Said Ahmed. Ce dernier n’aura de cesse tout au long de son règne d’intervenir à Mayotte pour s’y imposer, ce que ni Salim, ni son successeur Bwana Combo n’accepteront. Or, vers 1750, un événement va «consommer la rupture entre les deux îles» (Cadi Omar Abubacar). Parce que, Salim, le sultan de Mayotte refuse de partager le butin issu du naufrage d’un navire européen avec Ahmed, souverain d’Anjouan. Celui-ci envoie une expédition militaire contre Mayotte. Le commandement de l’expédition est confié à Ouaziri Housseni, gouverneur de Mutsamudu. Comme souvent par la suite, face au débarquement anjouanais les Mahorais préférèrent dans un premier temps  se replier au Mont Combani et les villes et villages furent pillés. Mais après une contre attaque mahoraise, l’armée anjouanaise fut mise en déroute près de Tsingoni et un bon nombre furent massacrés: le chef de l’expédition anjouanaise, Ouaziri Housseni fut lui-même tué et enterré au lieu-dit Zidacani. 

 

En 1783, d'après la relation de William Jones (cité par J.C. Hébert, 1998, Mayotte au XVIIIe siècle, Archives orales, cahiers 4 et 5), le sultan Ahmed d’Anjouan affirme détenir, depuis deux ans, deux villes à Mayotte où il tient des garnisons. Il s’agit, bien qu’elles ne soient pas citées, de Tsingoni, la capitale, et probablement Mtsamboro, les principales localités de la côte ouest de Mayotte. Et il est à supposer que dès cette époque, le sultan de Mayotte (Bwana Combo ou déjà son successeur Salim?) se soit réfugiés à Petite Terre comme cela sera le cas en 1791. 

Avant 1783, Ahmed affirmait au voyageur Grose, en 1758, qu'il détenait la souveraineté sur Mayotte mais était-ce réellement le cas?

Ses garnisons à Mayotte durent être délogées car en 1791, deux expéditions accompagnées de traitants français (la première accompagnée du capitaine Lablache, la seconde du capitaine Péron, la plus détaillée grâce aux mémoires de ce capitaine publiées en 1824) visent à rétablir la souveraineté d’Anjouan sur Mayotte. En échange de l’aide des capitaines, le sultan Ahmed et son fils, le prince Sélim, leurs promettent plusieurs centaines de captifs pris sur les prisonniers de guerre espérés.

La première, relatée par le capitaine Lablache n’est pas un succès, la seconde relatée par le Capitaine Péron avec fort de détails échoue après 6 semaines de rapines et de pillages dans les environs de Tsingoni. Cette expédition s’était achevée par une déroute anjouanaise à Pamandzi Keli sur Petite Terre. Cette victoire mahoraise a-t-elle contribué à renforcer l’autorité de Salim, quoiqu’il en soit, il succède à Bwana Combo après sa mort et décide d’établir la capitale sur le rocher de Dzaoudzi, jugé plus sûr après l’expérience des deux incursions anjouanaises de 1791.

 

En conclusion, Il est certain que ces violences cumulées entraînèrent la ruine et l’abandon de nombreuses localités mises à sac à commencer par la capitale Tsingoni. Le cadi Omar, très proche du sultan d'Anjouan à qui il offrit sa chronique fit probablement passé comme «malgaches», des exactions commises par les troupes anjouanaises plusieurs années plus tôt. Ainsi donc, lorsque débutent les razzias malgaches en 1794 pour Anjouan, probablement vers 1800 pour Mayotte, le sultanat est déjà replié sur Dzaoudzi et la Grande Terre, bien éprouvée par un siècle de troubles et d’insécurité, est dépeuplée et en friche, la plupart de ses villages abandonnés. 

M.Pauly
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26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 11:06

Ces deux inscriptions sur blocs de corail (porites), scellées dans chaque piédroit du mihrab de la mosquée de Tsingoni, livrent le nom du sultan commanditaire et sa date d'inauguration. C'est un document essentiel pour la connaissance historique, puisqu'il permet de donner un jalon chronologique aux règnes fournis par la tradition. La confrontation de ces deux sources complétées par l'indication de Robert Orme en 1754 qui rapporte que l'arrivée des Arabes remonte à 300 ans, permet aujourd'hui de dater l'établissement du sultanat à Anjouan et Mayotte aux années 1460-1470.

Ces inscriptions révélées il y a peu de temps (2006), mettent un terme à la controverse sur la date de fondation de la mosquée de Tsingoni, dont le mihrab est aujourd'hui parfaitement daté de 1538. Néanmoins, une mosquée plus ancienne a certainement existé à Tsingoni puisque Piri Reis évoque en 1517 l'existence de musulmans chaféites dans cette localité, ainsi que la présence d'un cheik très vénéré, Faqi Mulazi.

Piri Reis, dans son poème décrivant les Comores évoque aussi le nom du sultan de Mayotte: le chah Mohamed ben sultan Omar, ce qui ne contredit pas l'inscription qui pour 1538 évoque le nom du sultan Ali ben sultan Mohamed (Ali, fils du sultan Mohamed). Par contre, les traditions ne mentionnent pas de sultan Omar pour cette époque, parlant du sultan Hassan comme aïeul d'Issa/Ali.

 

 

inscription de gauche   inscription de droite

 

 

inscriptions de Tsingoni

Photographies et relevé des inscriptions du mihrab de Tsingoni.

 

 

 

Traduction

 

Ce mihrab a été construit par le Sultan ‘Issa [mais la lecture Ali est plus probable] fils / du sultan Mohamed, le jour de [lacune] / du quatorzième jour de dhi lqi’da

de l’année du Vendredi [après ?] [mot illisible ; peut être shura, شر ?], quatre / quarante et neuf cent [944] de l’Hégire /

 [courte ligne lacunaire] sur celui qui l’a accompli les meilleures prières / et le salut.

Traduction Hakim Bouktir et Assia Daghor-Alaoui
L'inscription présente deux calendriers: un premier, musulman comptant les années depuis l'Hégire, un second persan, en usage dans l'Océan Indien, le calendrier Nairuzi qui compte les années par cycle septennal en donnant à chaque année le nom d'un jour de la semaine (par exemple, ici," l'année du Vendredi"). 
Par "après shura" complétant la date, il faut comprendre "après la fête d'Ashura", nouvel An persan célébré en début d'année. Ces deux calendriers coïncident entre eux, l'année 944 de l'Hégire étant bien une année du Vendredi .
La conversion en calendrier chrétien fournit la date du Dimanche 14 avril 1538.

M.Pauly
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Abstract

 

The Society of Mayotte History and Archaeology (SHAM) was founded in 1990. For the last twenty years it has undertaken archaeological researches on the island in close connection with the French National Cultural Authorities (DRAC) and the Centre d'Etude et de Recherches sur l'océan Indien occidental et le Monde Austronésien (formerly CEROI, nowadays CROIMA, INALCO, Paris). Several archaeological sites have already been discovered and studied. Besides, the Society has played a part in the elaboration of the island archaeological map. Its members have published many articles and books.

 

Key words: archaeological excavations, Comoro Islands, Mayotte island, Indian Ocean, cultural traditions, Swahili and Malagasy civilisations, Austronesian civilisation, history, mediaeval pottery, stone architecture, Dembeni civilisation, island civilisation, islamisation, shirazi sultanate, islamic civilisation, mediaeval trade, human migrations.

 

Treize siècles d'histoire!

Sgraffiato à voluteCe site propose la découverte de la recherche archéologique à Mayotte, facette peu connue de son patrimoine historique, riche d'une occupation humaine attestée dès le VIIIe siècle après J-C.

C'est uniquement l'histoire ancienne  ou pré-coloniale de Mayotte, antérieure à sa cession à la France en 1841 qui est présentée ici.